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Dossier : Etat des lieux des forces politiques en présence



Les amatrices et amateurs de problèmes complexes ne sauraient rater la difficile analyse des forces politiques présentes à l’université de Nanterre. Notre université peut s’enorgueillir de compter l’une des plus grosse population de militant.e.s actives et actifs de France. L’université de Nanterre transpire de son histoire politique, les luttes glorieuses, les intrigues politiques et les combats acharnés résonnent encore dans nos couloirs. Sur nos murs sont érigées les fresques de mai 68, dont le point de départ fut notre belle université, et encore récemment Le Figaro nous blâme du sobriquet bien mérité de « labo de la gauche » (conclusion étonnamment juste d’une analyse pourtant médiocre de notre milieu politique). Nous nous attaquons dans ce dossier à la colossale tâche de faire l’état des lieux des forces en place. Tâche ô combien difficile quand on considère la quantité d’organisations (ou de non-organisations) existantes, de mouvances, d’idéologies et, par ailleurs, de l’instabilité permanente des rapports de force, typique du milieu étudiant. Nous ne saurions dans ces conditions vous permettre de couvrir toutes les activités et toutes les organisations, mais simplement vous transmettre un aperçu des forces en place en cette rentrée 2022 et des lignes floues de la grande démocratie étudiante.


La démocratie étudiante

Cœur battant de la vie étudiante, la démocratie est un enjeux majeur qui occupe nombre d'esprits parmi les 2,81 millions d'étudiant.e.s en France. Chacun en va de sa vision de sa pratique véritable, des révolutionnaires aux réformistes, de la gauche radicale à l'extrême droite. Alors pour tenter de combler ce petit monde, et pour désarmer (presque littéralement) la protestation étudiante, le gouvernement à mis en place depuis 1968 la cogestion. Système censé permettre aux étudiant.e.s de donner leurs voix dans les conseils d’administration des universités et même jusque dans les couloirs du ministère de l’ESR (Enseignement Supérieur et la Recherche). Vous aurez alors l’occasion de tomber sur des élections étudiantes que ce soit des élections d’UFR, de conseils centraux ou du conseil d’administration du CROUS. A l’occasion de ces élections vous verrez réapparaître des organisations alors tombées dans l’oubli, comme ressortant d’un autre âge pour venir nous hanter en vous demandent 10 fois dans une même journée si vous avez bien voté. Et pour cause, les enjeux de ces élections sont nombreux. On vous mentirait pourtant en vous disant que les résultats de ces élections ont un vrai impact sur notre vie étudiante. En effet, la part d'étudiant.e.s siégeant dans ces conseils est tellement minoritaire que leurs avis est à peine plus que consultatif. Toutes les réformes de l’ESR passent sans se soucier de l’avis des milliers d’élu.e.s étudiants dans les universités. Pour dire, l’organisation qui a (largement) le plus d'élu.e.s nationalement, la FAGE, se revendique apolitique. Alors pourquoi presque toutes les organisations étudiantes s’écharpent pour obtenir des élus dans les conseils ? Et bien c’est là que la cogestion à son aspect le plus pervers, parce que chaque élu.e apporte son lot d'avantages bien juteux que toutes les associations convoitent. Cela va du local permanent, aux subventions généreuses en passant par les petits buffets des conseils d’administration. En bref tous les avantages d’une démocratie bien dressée. Les élections étudiantes ne réduisant d’ailleurs, que rarement, l’abstention en dessous de la barre des 98%. La démocratie étudiante n’est elle donc qu’un mirage ? Une triste illusion dans laquelle nous sommes tombés ? Ce serait encore une erreur de ne voir la démocratie étudiante que dans ce que le gouvernement et ceux qui y croient encore (ou celles et ceux qui y ont à gagner) veulent nous montrer d’elle. Si les élu.e.s étudiants n’ont jamais enrayé le lent délitement de l’université publique, ce n'est pas le cas des mouvements sociaux. Véritable force brute et cataclysmique, contenu dans les murs de nos universités. Les millions d’étudiant.e.s de France ont fait plier plus d’une fois les gouvernements. Les Assemblées Générales, ouvertes à tous les étudiant.e.s sont des lieux d’échange, de décision où la démocratie est de rigueur.


Les forces de gauche : l’UNEF

Baladez-vous quelques instants sur le campus et vous tomberez vite sur quatre lettres qui deviendront familières : UNEF. L’Union Nationale des Étudiants de France est l’un des principaux syndicats étudiants, de gauche, présent à Nanterre. Le 8 avril dernier, au prix d’une campagne agressive, l’UNEF a obtenu la majorité absolue des sièges lors des élections étudiantes, où l’on vote pour nos représentant.e.s dans les instances de décisions de la fac.

Mais sur le campus, vous rencontrerez surtout des membres de l’UNEF-TACLE. Kezako ? La Tendance Action Collective et Luttes Étudiantes est une tendance de l’UNEF particulièrement active à Nanterre. Mais elle n’est pas la seule ! La tendance “majo” (pour “majoritaire”) existe également, et bien qu’elle soit majoritaire en France, elle ne l’est pas à Nanterre, puisque c’est la TACLE qui y est majoritaire… Mais en politique, les appellations sont importantes.

La TACLE s’est fait surtout entendre pour sa mobilisation connue sous le nom de campagne des “sans-fac” et qu’elle mène depuis plusieurs années. Les militant.e.s viennent en aide aux candidats orphelins de Parcoursup et e-candidat n’ayant pas reçu d’affection pour la rentrée, tentant de leur trouver une place à l’université. Cette campagne est le symbole de leur engagement militant : durant l’année écoulée, ils ont d’ailleurs occupé pendant plusieurs mois le bâtiment de la présidence afin d’exiger l’inscription de ces sans-fac. Cependant, discutez aussi quelques instants avec ces militant.e.s de l’UNEF-TACLE et vous verrez qu’un sigle va beaucoup revenir dans votre discussion : le NPA. Le Nouveau Parti Anticapitaliste est, lui, un parti politique d’envergure nationale ; de nombreux membres de la TACLE sont en effet encartés au NPA. Philippe Poutou, candidat NPA à la présidentielle, est d’ailleurs venu plusieurs fois sur le campus défendre ces sans-fac. Cette adhésion semble pourtant contrevenir à la Charte d’Amiens de 1906, importante pour le syndicalisme français, et qui consacre l’indépendance des syndicats par rapport aux partis politiques.


Les forces de gauche : La FSE

La FSE fait ici sa quatrième rentrée, née en 2019 d’une scission nationale avec l’UNEF à cause de désaccords de méthode militante, de démocratie interne et d’idéologie. Elle se développe nationalement depuis et compte bien lutter contre la libéralisation de l’ESR, l'impérialisme et le capitalisme. Elle est indépendante de tout parti et autres organisations. Elle se démarque par son refus de participer aux élections étudiantes, les considérant comme plus néfastes à la démocratie qu’autre chose. À Nanterre, elle a connu ses heures de gloires pendant les confinements, étant l’une des organisations les plus actives de cette période. Bien qu’ayant réduit leurs activité récemment, en attendant la nouvelle rentrée, ils restent très actifs sur la gestion de problèmes individuels. Plus discrète ces derniers mois, elle rassemble assez de militant.e.s pour représenter tout de même une des principales forces militantes de gauche de Nanterre.


Les forces de gauche : Le Poing Levé (LPL)

Organisation fraîchement débarquée à Nanterre, LPL est la branche étudiante de Révolution Permanente, le mouvement de Anasse Kazib, le “candidat à la présidentielle qui ne le fut pas” pour reprendre la phrase de la fameuse série. Leurs idées sont de continuer le combat contre la précarité étudiante et contre la libéralisation de l’université qui avait commencé à se construire pendant le covid (ça y est c’est la première fois que nous commençons à parler du covid au passé wow). Ils s’opposent aussi au réarmement et à la militarisation des grandes puissances. Leur activité va, semble-t-il, tourner autour de débats et de projections. Nous attendons de les voir prendre place sur l'échiquier politique de Nanterre !


Les autres forces de gauche

Au delà de ces organisations particulièrement actives vous aurez peut être la rare occasion de croiser des militant.e.s de l’Etincelle (une tendance du NPA autre que celle lié à l’UNEF TACLE), du cercle marxiste (une organisation donnant des cours sur le marxisme, sans aspect pratique visiblement…dommage pour du marxisme), du COFIN (organisation féministe et de lutte contres les oppressions systémique), de L’UNEF TMN (Tendance Majorité National, ils représentent la ligne nationale de l’UNEF, mais de mémoire d’étudiant.e nanterrien, ils n’ont jamais été vraiment présent au délà de la rentrée et des élections) ou de la France Insoumise Nanterre (organe étudiant nanterrien du mouvement de Mélenchon) et enfin il y a les militant.e.s autonomistes (les totos) qui n’ont jamais réussi à vraiment reprendre une activité depuis les confinements.

Ensuite il y a les organisations dont nous n’avons plus de nouvelles, portées disparues, probablement pour rejoindre le paradis des organisations politiques du monde universitaire : le Poing queer (une organisation queer et intersectionnel dont nous n’avons plus de nouvelles depuis leur création), Solidaire étudiant (syndicat national qui après des années de “reconstructions” et de conflit avec l’UNEF TACLE, les confinements ont fini par avoir raison d’eux), L’UEC Nanterre (union des étudiants communistes) qui est devenue RED (qui n’est pas une organisation mais plutôt une campagne) mais qui ne donne plus de nouvelles depuis des mois.


Le “centre”

La FAGE, première organisation étudiante nationale, est une fédération d’association qui a une structure locale à Nanterre (la FAX), rassemblant quelques associations de filières. Ni de droite ni de gauche, juste de droite dirait-on, elle se revendique apolitique, mais se bat pour des élu.e.s dans tous les conseils (probablement aucuns liens avec les dizaines de milliers d’euros qu’elle se fait au passage). Certain.e.s diront (à raison) qu'elle ne se mobilise qu'exceptionnellement sur les questions étudiantes mais revendique beaucoup de victoires. Elle est résolument non(ou contre)-révolutionnaire, hors des élections et des conseils vous ne devriez pas les croiser.


Les forces de la droite

Enfin, il y a les organisations de droite. En tête, le syndicat étudiant l’UNI (Union nationale inter-universitaire), et la Cocarde étudiante. L’Université de Nanterre étant un bastion historique de la gauche (on ne vous apprend rien), l’implantation politique de ces organisations est donc à relativiser par rapport à la place des organisations de gauche.

A Nanterre, l’UNI rassemble une vingtaine de militant.e.s, dont les orientations politiques oscillent quelque part entre les Républicains et Génération Z. Par exemple, Jacques Smith, ancien responsable de l’UNI de Nanterre, s’est récemment impliqué dans la campagne de Zemmour. Leur existence nous ait rappelé lors des élections aux conseils centraux de l’université. L’année dernière, ils ont proposé une liste intitulée “Contre l’extrême gauche, pour ta réussite !”, et sont parvenus à obtenir un élu au CA, et un élu à la CFVU.

Ensuite, il y a la fameuse Cocarde étudiante, organisation 100% d’extrême droite. Nous allons les laisser se présenter, voici ce qu’indiquait leur tract diffusé le 17/02/2022 à Nanterre : “Patrie, Identité, Souveraineté, pour une autre jeunesse !” Par hasard, est ce que ça ne vous rappelle pas un célèbre moustachu ? Leurs apparitions sont assez rares, et suffisent à mettre toutes les organisations de gauche d’accord pour les expulser de notre campus. Iels, -car nous ne voulons pas les mégenrer, on sait qu’ils détestent ça- n’ont pas présenté de liste pour les élections depuis 2019. Leurs apparitions pour des tractages éclairs sur le campus de nanterre, sont des tentatives naïves de la facho-sphère de s’y implanter comme contre pouvoir. Nous pourrions considérer qu’ils sont en perte de vitesse, mais nous pourrions aussi longuement disserter sur l'inquiétant développement du fascisme dans toutes les universités de France. Par ailleurs, il existe plusieurs histoires sordides de passage à tabac de militants de gauche par des membres de la cocarde. Un des épisodes les plus marquants étant la confrontation le 17 octobre 2019 entre une cohorte de forces de gauche et des militants de la cocarde, entraînant l’intervention de CRS ainsi que quelques blessés. En définitive, vous les croiserez peut-être, mais on ne vous le souhaite pas.


Nouvelle activité des agents de sécurité de notre belle université ? Filmer avec leurs téléphones les étudiant.e.s discutant sur le campus devant le bâtiment Grappin. La racaille n'a qu'à bien se tenir ! Et pourvu que ça ne soit pas pour un usage plus personnel des vidéos. Déjà qu'ils veulent savoir ce que l'on va faire aux toilettes (voir page 4), ça commence à être un peu oppressif non ?


Pour l’ambiance actuelle

Pour en revenir à l’ambiance politique actuelle, il est à noter que Nanterre sort d’un état de siège, le bras de fer des sans-facs face à la présidence à laisser toute l’université sous tension. La sécurité, qui a démultiplié son activité et ses moyens ces derniers temps, cède facilement à l'excès de zèle et renforce drastiquement de nombreuses règles. Des militant.e.s de l’UNEF TACLE sont envoyés en commission disciplinaire, plusieurs sont interdits d'accès sur l’université, et même les journalistes du Matériel finissent, à l’occasion, escortés par les vigiles pour subir des interrogatoires sur les raisons d’une visite dans les toilettes de l’université, avec suppression obligatoire, au passage, de toutes les photos sur les téléphones. Nous sortons à peine d’une crise politique majeure et déjà les prémices d’une nouvelle apparaissent avec des centaines de dossiers récoltés par la nouvelle campagne des sans facs, le projet d’augmentation de frais d’inscription à l’université et la flambée des prix. Cette année ne sera pas calme et les intrigues nanterriennes n’ont rien à envier à celle de quelques séries à la mode.



Par Thomas, Tom et Jerry

Publié dans le N°004 du 5 septembre 2022

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