top of page

Dossier : L’Unef, le NPA et l’éléphant dans la pièce

Dernière mise à jour : 24 févr. 2023


Il serait difficile de trouver, sur l’université, quelques personnes n’ayant jamais entendu parler de l’Unef Nanterre. L’organisation se trouve bien malmenée depuis la rentrée, les dossiers et les témoignages tombent les uns après les autres.


La dernière bombe lâchée sur la tête du syndicat a pris la forme d’un long PDF de 11 pages, dont l’auteur dit être un ancien de l’UNEF, partagé anonymement dans les conversations militantes. Le document, ne s’axant pas sur la question idéologique, présente de nouveaux témoignages concernant le rapport au bien-être et au respect de leurs sympathisant.e.s (accessible via le QR code). Le document a d’ailleurs résonné jusqu’aux oreilles de la CGT Nanterre et des autres organisations interprofessionnelles de l’université. Le Matériel vous propose une analyse des témoignages transmis dans le document ou auxquels nous avons eu accès autrement, venant de personnes intérieures et extérieures à l’UNEF. Par mesure de sécurité, toutes les sources auxquelles nous faisons référence sont anonymes.

L’UNEF Nanterre est l’organisation syndicale majoritaire sur notre université. Elle anime notamment la campagne des sans-facs. La section de Nanterre, loin d’être représentative de l’UNEF nationalement, est le bastion principal de la TACLE, une des tendances les plus à gauche de l’organisation. Sur le plan politique, cette tendance est extrêmement proche de la tendance Anticapitalisme & Révolution (A&R) du NPA. Ne nous attardons pas sur les subtilités de ce kaléidoscope de tendances et de nuances de trotskisme. Le peu de considération que l’UNEF Nanterre entretient envers les autres organisations trahit une volonté hégémoniste, c’est-à-dire une volonté d’être la seule organisation politique existante sur l’université. On le remarque notamment au refus régulier de la moindre discussion, entente ou compromis sur leur place dans la lutte, sur leurs comportements dans les cadres inter-organisationnels ou encore à leur fâcheuse habitude d’imposer leurs propres calendriers politiques à l’université. Face à eux, les autres organisations de gauche commencent de plus en plus à se coordonner et à constituer des cadres de discussion hors du contrôle de l’Unef pour réfléchir à l’assainissement et à l’amélioration des cadres militants de Nanterre.


La place que prend le NPA jeune et plus largement les cadres de A&R du NPA semble être pour le moins encombrante au sein de l’UNEF. Qu’il s’agisse de la structure pyramidale excluant de toutes les prises de décisions les personnes n’étant pas parfaitement conformes aux attendus idéologiques, ou bien des directives peu cohérentes avec le milieu étudiant, car elles proviennent de cadres du parti (extérieurs à l’université)... On ne peut pas vraiment dire que chacun ait son mot à dire dans cette organisation. À cela s’ajoutent des cadres locaux du syndicat qui sont plus proches de militants professionnels que de vrais étudiant.e.s. Cela pourrait ne pas être un problème si ce niveau d’engagement n’était attendu que des cadres les plus importants, pourtant il semble qu’ils exigent un niveau similaire d’engagement de la part de chacun.e.s de leurs membres, du militant sans-fac au sympathisant occasionnel. Un des éléments dénoncés par le document de 11 pages est que pour pousser leurs jeunes recrues vers plus de sacrifices personnels, ils n’hésitent pas à user de pressions morales, à faire culpabiliser ou à écarter socialement ceux qui ne peuvent pas soutenir un plein temps militant. Tout ce chantage se fait au détriment de la situation sociale et psychologique des principaux intéressés.


« Plusieurs fois, j’ai entendu l’Unef-Tacle dire : je ne crois pas à la psychologie pour nous, il n’y a que la lutte et la force du groupe. » Sans-facs


Citations prises du document de 11 pages : « On me demandait souvent d’arrêter mes études » « Ils ont détruit toutes mes ambitions » « À mon avis, il aurait fallu que ces personnes qui se faisaient du mal ou qui faisaient des crises d’angoisse à répétition partent de l’occupation et ne soient plus incitées à revenir, sans parler que le manque de sommeil dû aux tours de garde instauré par G. nuisait forcément au moral de tout le monde. » Sans-fac.


Les sans-facs sont les premiers à témoigner, dans le document ci-joint, de leurs conditions de militantisme. Ils se révèlent être les premières victimes du culte de la personnalité que pratique l’UNEF Tacle. On le retrouve, par exemple, pendant l’occupation de l’année dernière, dans l’attribution d’un étage complet comme quartier pour le principal leader politique alors que les sans-facs dorment déjà les uns sur les autres. Il en est de même pour les prises de parole ou la répartition des tâches, qui semble être judicieusement faite pour mettre en valeur quelques figures comme étant tantôt des martyres de la cause, tantôt des grands penseurs de la théorie révolutionnaire alors que d’autres se limitent à être exploités sur les tâches les plus ingrates.


« V. disait : non ne fais pas ça, tu ne dois pas candidater sur parcoursup, ça ne sert à rien, l’occupation doit être ton seul plan et rien à côté ! Et puis chaque interview, ils te disent ce que tu as le droit de dire ou non. » sans-fac.


Pour garder la face en toute situation, l’UNEF Nanterre n’hésite pas à user de calomnies contre les personnes qui portent, contre eux, des critiques (hâte de savoir ce qu’ils vont sortir contre nous). C’est sans doute en étant bien habitué à l’exercice du coup-bas, finalement assez traditionnel dans le monde politique, même en interne, que leurs analyses des violences sexistes et sexuelles se limitent peu ou prou à dire qu’il s’agit uniquement de manipulation politique pour écarter certaines personnes influentes. Le peu de respect visible pour la parole des victimes de VSS laisse sceptique quant à leurs compétences dans la lutte contre le patriarcat. A cela s’ajoute des répartitions genrées des tâches, qui collent particulièrement aux attendus du patriarcat, les femmes s’occupant des tâches administratives tandis que les hommes récupèrent la plupart des prises de paroles publiques (un second document peut être transmis, sur autorisation de son auteur et sur demande, donnant un relevé des temps de paroles des hommes et des femmes durant plusieurs AG). Bref, ils sont cruellement en retard sur les théories féministes. Les avancées théoriques sur la question ne pardonnent plus aujourd’hui une telle incompréhension des réalités du patriarcat en interne des organisations syndicales étudiantes.


« Jamais, en AG, nous n’avons voté une action et je pensais naïvement que les sans-facs avaient en amont cette prérogative de vote. » Soutient aux sans-facs


Le sectarisme apparent de l’organisation est un élément important dont nous laissons l’analyse au document joint par manque de place. Le sociologue Lewis Coser qualifiait “d’institutions voraces”, les organisations réclamant l’adhésion complète de leurs membres et qui poussent à leur conformité au sein de l’organisation par une persuasion psychologique. « La première critique évidente que je me fais quant à ce mode opératoire est la manière dont on aborde les étudiants : cela ressemble à de l’endoctrinement, on récite notre discours, on le balance sans pousser l’étudiant à se questionner, à interagir avec nous. Pour moi, on ne conscientise absolument pas les étudiants à ce moment-là, cela sert simplement à nous faire gagner le plus de voix pour les élections, mais du point de vue de la lutte, il est pour moi primordial de conscientiser les individus, là c’est le néant. » ancien adhérent.


Pour conclure, nous pourrions désigner le cœur de toutes ces dérives par le refus complet de l’UNEF à la pratique de la critique et de l’autocritique. Si l’outil syndical n’est pas capable de réaliser une remise en question de ses pratiques, alors peut-être cela veut-il dire qu’il n’est plus fonctionnel et qu’il doit être changé. Pourtant, nous ne vous annonçons pas la fin prochaine de l’UNEF Nanterre. Malheureusement, ceux qui jouent à la révolution pour flatter leurs égos et répéter des envolées lyriques décrochées de la réalité du terrain n’ont pas fini de parasiter le débat. Cependant, le temps est peut-être venu d’imposer aux carriéristes de la lutte une nouvelle génération de militants et de ne plus leur laisser le monopole de l’initiative.


Bien sûr, certains pourraient dire que l’heure n’est pas à la division, que passer à l’offensive en pleine mobilisation revient à trahir la lutte. Pourtant c’est tout le contraire. Aujourd’hui, le bastion historique de la lutte étudiante est un exemple national de flegme sur la réforme des retraite ! Et il est temps que l’UNEF Nanterre prenne ses responsabilités quant aux conséquences de ses agissements sur le milieu nanterrien. Ils ont su dégoûter la plupart des étudiants de l’engagement politique, pourtant la colère montante et le foisonnement de notre période peut rendre à notre université son statut de bastion d’antan.




Par Camille, Roméo et Pannekoek

Publié dans le N°006 du 10 février 2023

Comments


bottom of page